A l’occasion de la restitution des résultats du sondage réalisé par Le Psychodon et OpinionWay sur la santé mentale au travail le 30 avril prochain, nous avons souhaité interroger une coach certifiée dans le domaine du management. Luz d’Ans, dirigeante d’Orise Management nous a donné quelques conseils pour valoriser l’équilibre psychique des salariés. Et il semblerait qu’il y ait encore du travail en la matière… En effet, d’après notre enquête, 76% des salariés du privé estiment que l’employeur est le garant de la santé mentale de ses collaborateurs. Or actuellement, moins d’un tiers des entreprises (31%) mettent en place des actions pour favoriser le bien – être au travail.
Identifier les sources du stress
Il est faux de croire que le stress est une émotion en soi, elle est justement la conséquence d’un trop-plein d’émotions. “Je conseille plutôt à mes collaborateurs de dire qu’ils sont “sous tension” qu’en « état de stress”, explique Luz d’Ans. Dire “je suis stressé” est un raccourci à éviter car cette formule implique que la personne s’associe à son stress.
“Quand on est dans ce genre de problématiques, il est nécessaire de réfléchir à leur causes puisque l’on réagit de manière différentes en fonction du contexte et de la source du stress ». Identifiez d’abord si vous vous sentez en colère, épuisé, paniqué, démuni… En fonction du type d’émotion déterminée, la réponse appropriée ne sera pas la même. “Quand on connaît ces raisons, nous pouvons enclencher des leviers d’action”.
Il est important de cerner son sentiment à l’instant T (attention, un sentiment peut être un mélange d’émotions). Car un sentiment négligé et laissé de côté peut prendre de l’importance sans que l’on s’en aperçoive. “Faites une pause, notez les raisons de votre énervement-fatigue-angoisse et compartimentez-les : “je suis en conflit avec tels collègues, j’ai ces deadlines à respecter, mes enfants à gérer alors que j’ai une montagne de travail”. C’est en effet essentiel de “classifier” ses niveaux de stress pour ne pas créer l’effet inverse : ”Le stress se cumule de manière exponentielle. Il faut en comprendre l’origine et ne surtout pas endosser le stress des autres”.
Faire attention aux besoins de mon équipe
S’il est donc déconseillé d’absorber le stress de son voisin, il est tout de même recommandé de se préoccuper du sort de son équipe. Ça n’a peut-être l’air de rien mais une phrase pour demander des nouvelles, un échange courtois pour savoir si la personne dans le bureau d’en face se sent bien dans ses baskets, peut faire la différence. Si chaque individu forme un tout, le “tout” ne définit pourtant pas l’individu. Il faut savoir dissocier les besoins collectifs des besoins individuels et ménager du temps pour un échange personnalisé régulier. C’est lors de ces rendez-vous avec son manager, son supérieur, qu’il est opportun de se confier sur son état de santé mentale : “Aujourd’hui, c’est beaucoup plus avouable de dire qu’on n’y arrive pas. La situation épidémique a libéré la parole. C’est ok de dire qu’à un moment, le mental surchauffe. Ce n’est pas qu’on est faible, on est juste humain.”
Ne pas oublier la santé mentale des managers
De la même manière que les psys sont soumis à ce que l’on appelle une « supervision psychanalytique » face à un confrère ou une consœur (qui lui permet de déposer les difficultés inhérentes dans le cadre de la thérapie), un manager ne peut recueillir tous les maux de son équipe sans être lui-même suivi. “Les RH doivent vraiment faire un pacte avec les managers d’équipe : ils doivent faire attention à eux.” Chaque maillon de la chaîne doit se sentir concerné.
Etre indulgent avec soi-même et avec les autres
Une fois qu’on a décortiqué ses émotions, il est temps de mettre fin au jugement. “Quand on se juge, on s’impose un niveau de pression très fort. Éviter les jugements nous permet de faire descendre les niveaux de stress. Pour éviter de se complaire en analyse et en introspection négative, il est essentiel de prendre la mesure des challenges qui nous incombent et de les “découper en petits morceaux”. Ainsi, un plus petit challenge est plus facilement atteignable et c’est alors l’impression d’une victoire et non d’un échec qui l’emporte. “C’est là où le manager a un rôle, pour identifier en équipe les challenges à se fixer. Et quand il n’y a pas de manager, c’est le chef d’entreprise qui doit montrer l’exemple”.
Attention aux nouvelles recrues
En cette période où le télétravail est le maître-mot, difficile pour les nouveaux venus de se faire une place dans une équipe constituée depuis longtemps. “Il est donc important de travailler sur « l’onboarding », l’intégration de ces personnes, d’une manière ou d’une autre”. Si les réunions physiques sont, pour l’heure, proscrites, privilégiez des moments d’échange virtuels et informels en groupe (sans être trop nombreux) pour faire connaissance. “Il faut pouvoir donner à ces nouveaux-venus un sentiment d’appartenance. Quand ces derniers n’ont jamais vu les locaux, leurs collègues, il est impératif de leur accorder un point d’attention”.
Evaluation : privilégiez les qualités humaines aux systèmes de points
Remplir une grille d’évaluation avec des points verts ou rouges n’a jamais permis de résumer toutes les compétences d’un salarié. “Les grilles d’évaluation doivent être beaucoup plus humaines. Concentrez-vous davantage sur ce que les gens ont fait de bien plutôt que sur les résultats”.
Certes, une entreprise n’est pas un organisme social. Mais avoir la fibre pour l’humain ne signifie pas que l’on laisse de côté les résultats “factuels”. En définitive, l’un ne va pas sans l’autre. Il faut savoir composer avec des principes de réalité des deux côtés. Ce qui est sûr, c’est qu’en prenant soin de la santé mentale et en libérant la parole sur le sujet, “ce n’est que du bénéfice pour la suite”.