Si la souffrance au travail a toujours existé, elle s’exprime aujourd’hui différemment, alors même que la prise de conscience autour de la santé mentale des professionnels ne cesse de progresser. D’après la sociologue Danièle Linhart, « le management contemporain est lui-même confronté à des contradictions et à des défis très forts. » Le salarié est aujourd’hui pris dans une spirale de la performance, performance au travail mais aussi performance « au bien-être ». « Pour obtenir le maximum d’un salarié, dans le cadre de l’économie néolibérale, il faut pouvoir imposer une emprise, une domination de manière à ce que le salarié cherche à être en permanence plus productif, plus performant, et donc toujours plus rentable. » Ainsi le salarié doit répondre à la logique : « Ce qui est bon pour toi est bon pour moi ».
Pour la sociologue, cette tendance à « mettre l’humain » au centre des politiques managériales est dangereuse. « Cela revient surtout à accentuer la fragilisation et la vulnérabilisation des salariés. Or il n’y a rien de plus facile à manipuler que des gens qui sont saisis dans leur unicité, justement en tant qu’humains, et qui sont mis au défi sur le plan des affects. Cela peut paraître paradoxal, mais considérer le professionnel au niveau de ses affects, c’est mettre en danger l’individu. »
Pour elle, il est important de séparer le cadre dans lequel on exprime ses émotions, celui de la famille et celui du travail où l’impact ne sera clairement pas le même.