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Les drogues “douces” sont-elles vraiment sans conséquence sur la santé mentale ?

Fumer un pétard, « rien qu’un petit pétard » est-il vraiment sans conséquence pour la santé, et surtout, pour la santé mentale ? Aujourd’hui, si l’usage du stupéfiant est un délit puni par loi, la France reste l’un des premiers consommateurs de cannabis en Europe. Or, les scientifiques continuent d’alerter sur les effets de cette drogue que l’on continue d’appeler « douce ».

« Le cannabis n’est pas une drogue si douce« . Dans une tribune publiée le 15 mai dernier dans Le Journal du Dimanche, le président de la Ligue française pour la santé mentale, Roland Coutanceau, relance l’éternel débat lié aux conséquences de la prise de substances illicites sur la santé mentale. Ce débat a pris une tournure particulière quand, en avril dernier, l’affaire Sarah Halimi s’est trouvée de nouveau médiatisée. Le 14 avril 2021, la Cour de Cassation décide en effet de ne pas retenir la responsabilité pénale du meurtrier de la sexagénaire juive, tuée en avril 2017. L’état psychique de ce dernier, en proie à une bouffée délirante au moment du crime, suite à une consommation excessive de cannabis, aurait conduit, selon les experts, à une abolition du discernement le rendant pénalement irresponsable.

En prenant un exemple extrême, le psychiatre Roland Coutanceau souhaite alerter sur les effets de drogues systématiquement affublée de l’adjectif « douces ». Généralement, l’image du « fumeur de joint » est associée à celle d’une personne décontractée, véhiculée par la pop culture (le reggae mentionne souvent le cannabis). Si à première vue la prise de cannabis semble avoir des effets « mineurs » sur le psychisme du consommateur (état de détente et de bien-être, désinhibition…), les effets à plus ou moins longs termes peuvent être plus graves selon différents facteurs d’exposition. De nombreuses études scientifiques ont montré les conséquences néfastes du cannabis sur le cerveau, notamment chez un sujet jeune. Le développement cérébral s’en trouve modifié : l’épaisseur du cortex cérébral, censée diminuer à l’adolescence, augmente sous l’effet de la drogue. Résultat, le jeune consommateur peut rencontrer des difficultés de mémorisation, d’attention et de motivation.

Consommer jeune augmente les risques de maladie psychique

Outre les troubles cognitifs, le lien entre développement de troubles psychotiques et consommation de cannabis a également été prouvée par la science. Dans une étude datant de 2007 et publiée dans la célèbre revue The Lancet, il apparaît que les sujets qui ont fumé du cannabis ont environ deux fois plus de risques de présenter ultérieurement des troubles psychotiques que les non consommateurs. Il y a plusieurs facteurs de risque de développer une maladie psychique dans un contexte de prise de substance. Il y a l’âge d’abord. Deux autres études issues de la « Survey of High Impact Psychosis » et de la « Dunedin Study » ont révélé que le risque de troubles schizophréniformes est plus important chez les sujets ayant consommé avant l’âge de 15 ans par rapport aux sujets ayant commencé après 18 ans.

Un élément déclencheur

Autre facteur de risque : « l’effet-dose », c’est-à-dire la quantité de substances absorbée. Une étude suédoise datant cette fois de 1969 a montré que le risque de survenue de troubles schizophréniques était 6,7 plus important chez les sujets qui avaient consommé du cannabis au moins 50 fois, alors qu’il était de 1,9 pour ceux qui avaient consommé moins de 10 fois, par rapport aux sujets abstinents. Comme toujours, en santé mentale, c’est la chronicité qui tue« , indique le docteur Roland Coutanceau dans sa tribune du Journal du Dimanche. 

Enfin, les personnes présentant des antécédents familiaux sont également plus susceptibles de développer ce type de maladie avec une prise de psychotrope régulière. « Le plus souvent, le haschich favorise l’émergence d’un délire chez un sujet déjà malade mental ou borderline« , argumente Roland Coutanceau. La drogue agit donc comme une sorte de déclencheur.  Si tous ces effets secondaires ne sont pas systématiques, variant d’une personne à l’autre, la frontière entre l’effet récréatif et la perte de contrôle peut être rapidement confondue.