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Source : cet article a été rédigé et publié par Martin Planque sur La Dépêche.fr

Une enquête témoigne d’une dégradation continue de la santé mentale des salariés français. Près de la moitié d’entre eux (44%) présente une détresse psychologique, selon un baromètre OpinionWay. Explications avec Marc-Eric Bobillier Chaumon, professeur de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers, pour La Dépêche du Midi.

Les salariés français sont presque un sur deux à être en détresse psychologique… Selon un baromètre réalisé par OpinionWay et le cabinet Empreinte Humaine, 44% d’entre eux sont en situation de détresse psychologique. Pour 14% d’entre eux, la détresse psychologique est même qualifiée d’élever. Cette proportion de salariés est en hausse de 3 points par rapport à juin 2022, selon cette enquête.

Cette notion de détresse psychologique peut s’expliquer par un « épuisement professionnel et une difficulté de se retrouver et se réaliser dans son travail », nous explique Marc-Eric Bobillier Chaumon, professeur de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Et cela peut se traduire par « un manque d’envie et de motivation » expliqué par un « manque de reconnaissance et de soutien de la direction ».

Un taux de burn-out en légère diminution

« Avant de soigner les individus, il faut soigner le travail », indique Marc-Eric Bobillier Chaumon pour qui « le salarié n’est pas fragile de base mais fragilisé notamment par de nouvelles modalités, formes et conditions du travail ». Les sondés sont plus de sept sur dix (74%) à déclarer que leur santé psychologique est liée partiellement ou totalement au travail.

« Actuellement, tous les repères que l’on avait construits sont désorientés par de nouvelles formes de travail comme le télétravail. Il faut reconstruire un cadre dans l’entreprise, explique Marc-Eric Bobillier Chaumon. Le télétravail individualise, invisibilise et place le salarié dans une sorte de solitude par rapport à ses responsabilités », ajoute-t-il.

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Le taux de burn-out a, lui, diminué à 28% (-6), mais reste à des niveaux deux fois plus élevés qu’avant 2020, selon l’étude. Dans le même temps, huit salariés sur dix disent aimer leur travail et neuf salariés sur dix estiment qu’avoir un travail est bon pour la santé mentale

 « Par défaut, les gens aiment et veulent travailler, commente le professeur au CNAM. L’élaboration de l’identité, le développement intellectuel et celui des compétences sont les principales raisons. C’est aussi facteur d’épanouissement quand on fait un travail dans lequel on se réalise et par lequel on est reconnu », précise-t-il.

« Il ne faut pas travailler plus longtemps mais mieux travailler »

En plein contexte de débat autour de la réforme des retraites, l’enquête indique que sept salariés sur dix ont « peur de ne pas pouvoir tenir avec le recul de l’âge de départ ». La même proportion déclare que la perspective de travailler plus longtemps les « angoisse ».

Pour Marc-Eric Bobillier Chaumon, « il y a urgence à redéfinir les modalités d’une nouvelle réalité du travail ». Des propos en adéquation avec la quasi-totalité des sondés qui jugent qu’une amélioration des conditions du travail est nécessaire pour le rendre plus soutenable.

« Il pourrait y voir des discussions ou un grand débat concernant l’organisation et la transformation des manières de travailler, affirme le psychologue du travail. Il aurait peut-être fallu le faire en amont de la réforme », souffle-t-il. Avant de conclure : « Il ne faut pas travailler plus longtemps mais mieux travailler. Retrouver de l’efficience et de l’efficacité qui permettrait un impact moindre sur les salariés ».