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Source : cet article a été rédigé et publié par Diane Regny sur 20minutes.fr

ADDICTIONS La cocaïne est la deuxième drogue la plus consommée en France.

  • Vendredi, l’humoriste Pierre Palmade a été grièvement blessé ainsi que trois autres personnes dans un accident de voiture qu’il est suspecté d’avoir provoqué sous l’emprise de la cocaïne.
  • D’après l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), il y a au moins 600.000 consommateurs de cocaïne dans l’année en France.
  • 20 Minutes se penche sur cette drogue qui peut être destructrice, son potentiel addictogène et les programmes pour s’en sortir grâce à l’éclairage de Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, spécialiste en addictologie et créateur du podcast Addiktion.

« Je suis tombé dans une maladie nommée dépendance », déclarait Pierre Palmade dans les médias, bien avant le drame. L’humoriste de 54 ans a été grièvement blessé vendredi dans un accident de voiture. Trois autres personnes ont également été blessées, parmi lesquelles un enfant et une femme enceinte qui a perdu son bébé. Au volant de son véhicule, l’humoriste, sous l’emprise de la cocaïne, a fait une embardée sur la voie d’en face.

« La drogue, la cocaïne, les opiacés, sont des drogues extrêmement dangereuses avec un pouvoir addictif extrêmement puissant et qui conduisent à des drames humains qu’il nous faut éviter par tous les moyens », a réagi mardi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Comment la cocaïne crée-t-elle une dépendance ? Comment s’en sortir ? 20 Minutes fait le point grâce à l’éclairage de Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, spécialiste en addictologie et créateur du podcast Addiktion.

La consommation de cocaïne est-elle en augmentation ?

Jusqu’en 2009, « la France et l’Europe étaient un territoire assez vierge en cocaïne, elle était réservée à une élite sociale », explique le professeur Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Depuis, la poudre blanche, connue pour son pouvoir stimulant puissant, a inondé l’Hexagone. Et les prix ont drastiquement baissé, encourageant sa propagation dans la population. « C’est passé de 180 euros le gramme à 40 euros le gramme parfois », souligne le spécialiste en addictologie. Les consommateurs sont donc de plus en plus nombreux. D’après l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), il y a au moins 600.000 consommateurs de cocaïne dans l’année en France.

« Sous sa forme chlorhydrate », la poudre blanche est donc le « produit illicite le plus consommé en France après le cannabis », note l’OFDT. « Pierre Palmade, c’est la face émergée de l’iceberg. Il y a plein de Pierre Palmade inconnus qui ont ce type d’accidents ou qui font des overdoses », note le porte-parole de SOS addictions. L’expérimentation de la cocaïne est de plus en plus courante, elle a été multipliée par quatre en vingt ans. Pour les 18-64 ans, elle est passée de « 1,2 % en 1995 à 5,6 % en 2017 », note l’OFDT. Une expérimentation qui peut s’avérer très dangereuse car « 5 à 10 % des consommateurs qui vont l’essayer deviendront dépendants au bout d’un an », alerte Laurent Karila.

Comment devient-on addict à la cocaïne ?

« La cocaïne est rarement consommée isolément, elle se mêle au tabac, à l’alcool, au sexe », rappelle le spécialiste de l’addiction qui ajoute que la poudre blanche jouit encore d’une « image festive, un peu dorée » pourtant bien éloignée de la réalité pour celles et ceux qui ont plongé dans l’addiction. Pour être considéré comme dépendant à la cocaïne, il faut penser aux « cinq C », explique Laurent Karila. La « matrice commune de l’addiction » se résume à ce moyen mnémotechnique : « La perte de Contrôle, l’usage Compulsif, le Craving – c’est-à-dire le besoin irrépressible de consommer –, l’usage Continu et les Conséquences sociales, psychiques et psychiatriques sur douze mois », énumère le médecin.

Avec la cocaïne, « le craving est extrêmement puissant, probablement à cause de son côté stimulant », note-t-il. Contrairement à l’alcool ou au tabac, les personnes dépendantes à la cocaïne n’en consomment pas forcément quotidiennement. « L’immense majorité des cocaïnomanes que je soigne consomment trois fois par semaine », souligne Laurent Karila. L’ubérisation du trafic de drogue a contribué à rendre la cocaïne populaire et a aggravé le mécanisme d’addiction. Les dealers proposent des remises, envoient des relances, fournissent des cartes de fidélité, soignent leur publicité et livrent directement à domicile. « C’est du business. Mais un business qui peut tuer », rappelle Laurent Karila.

Comment s’en sortir ?

Pierre Palmade avait été condamné en 1995 pour consommation de cocaïne et été placé en garde à vue pour « usage et acquisition de stupéfiants » en 2019. « Ça fait dix ans que j’essaye d’arrêter », avait déclaré l’humoriste la même année. Si la cocaïne est moins addictive que le tabac, il existe des critères de vulnérabilité. La génétique d’abord à laquelle on peut attribuer la dépendance de 40 à 70 % car « on porte l’addiction de ses parents ». Mais aussi « le développement personnel, les troubles psychologiques, le tempérament ou l’environnement », énumère Laurent Karila qui encourage les consommateurs à s’interroger sur les « cinq C » et à consulter leur médecin traitant s’ils sont concernés.

 
Il n’y a malheureusement pas de pilule miracle pour sortir de l’addiction à la cocaïne mais des protocoles existent. « Il faut un programme complet. La maladie addictive est comme un arbre, les branches de l’arbre représentent un produit ou un comportement. En cassant la branche elle finit par repousser car vous n’avez pas traité le reste », illustre le psychiatre. Pour traiter l’addiction et ses racines, l’hôpital Paul-Brousse propose un programme d’un an. « Il comprend un suivi médicalisé, un suivi psychologique, un suivi infirmier, un suivi d’assistance sociale s’il le faut avec de la consultation en ambulatoire ou de l’hospitalisation si c’est nécessaire pour du sevrage », décrit-il. Et quoi qu’il arrive, « on ne peut pas traiter une addiction seul », martèle Laurent Karila. Il ne faut donc pas hésiter à demander de l’aide.